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Société sous-capitalisée : faute imputable au dirigeant ?

Le 14 juin 2021

Société sous-capitalisée : faute imputable au dirigeant ?
DE CDMF / THIERRY LEBRUN


Dans un arrêt de la chambre commerciale du 17 juin 2020 (n° 19-10.341), la Cour de cassation confirme la position qu’elle avait adoptée lors d’un revirement jurisprudentiel du 10 mars 2015 (Cass. Com. 10-3-2015 n° 12-15.505). En effet, il s’agissait de savoir si l’insuffisance d’apports d’une société à sa constitution constitue, ou non, une faute de gestion, imputable au dirigeant.

En l’espèce, le dirigeant d’une nouvelle société commerciale, ayant un capital de 4 000 €, en situation de cessation de paiement intervenue très rapidement après le début de son exploitation, est assigné et se voit menacé d’une condamnation à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actif de sa société.

Les juges du fond (Limoges, 13 novembre 2018) ont appliqué l’article L.651-2 du Code de commerce qui prévoit que lorsque, dans le cadre d’une liquidation judiciaire, l’insuffisance d’actif d’une société résulte d’une faute de gestion, le montant de cette insuffisance sera supporté par tous les dirigeants ayant contribué à la faute de gestion.

La question qui se pose est de savoir si, d’une part, la sous-capitalisation d’une société peut être associée à une insuffisance d’actif et d’autre part, si elle constitue effectivement une faute de gestion.

Les juges du fond ont déterminé que l’insuffisance d’actif était liée au faible capital déposé lors de la constitution de la société, car la cessation des paiements intervenue seulement un mois et demi après l’entrée en jouissance de la société, démontre une incapacité financière pour celle-ci à faire face aux charges courantes, dès le début de l’exploitation. Rappelons que « dans les sociétés, le capital représente la valeur nominale des actions ou des parts sociales » (Art. 311-1 PCG) contrairement à l’insuffisance d’actif qui elle est caractérisée « lorsque le produit de la réalisation des actifs du débiteur […] ne permet plus de désintéresser, même partiellement, les créanciers » (Art. R.643-16 Code de commerce).

En effet, le capital social de la société permet de rassurer les créanciers sur une certaine viabilité apparente de la société, notamment les premières années d’activité, car il constitue les fonds propres, mais cela n’assure en rien le désintéressement des créanciers. Le seul risque que revêt un faible capital est d’entraîner, l’obligation de reconstituer les capitaux propres de la société suivant la procédure applicable quand ceux-ci sont devenus inférieurs à la moitié du capital social. C’est en ce sens que la Cour de cassation censure l’analyse des juges du fond pour violation de l’article L.651-2 du Code de commerce.

S’agissant de la faute de gestion, elle se définit comme étant une action, ou inaction, commise par un dirigeant de société dans l’administration générale de celle-ci, manifestement contraire à l’intérêt social. Dans cet arrêt du 17 juin dernier, la Cour affirme le principe selon lequel l’insuffisance des apports consentie à une société lors de sa constitution est imputable aux associés. Elle ne constitue donc toujours pas une faute de gestion susceptible d’engager la responsabilité du dirigeant.

Il parait donc encore plus opportun que jamais, pour chaque associé, de veiller à la bonne détermination de ses apports au sein d’une nouvelle société. Et de fixer un montant de capital adéquat en regard des besoins de financement du projet d’entreprise.

Article rédigé le 30 novembre 2020.

Thierry Lebrun – Avocat associé

Pour plus d’informations, vous pouvez le contacter : t.lebrun@cdmf-avocats.com-04.76.15.39.16